Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
PHILO-ALETHEIA
Newsletter
Archives
Visiteurs
Depuis la création 84 276
19 octobre 2010

Ce qu'il en est de l'humain

CE QU'IL EN EST DE L'HUMAIN

Nous ne savons pas ce qu'est l'homme, ni l'humain en général. Entre  le rationnel et l'irrationnel, entre Logos et Khaos, entre le sublime et le monstrueux, toute définition vacille, exposant son indépassable caducité. A se demander si cette question n'est pas plombée dès l'origine par un impensable radical. Peut-être la seule manière d'avancer en ce bourbier est-il de remplacer la question traditionnelle sur l'essence humaine par une autre, d'allure spinozienne : "Savons-nous seulement ce que peut l'homme?"

Nous voudrions ici rappeler certains faits significatifs avant de nous interroger plus avant sur ce que peut signifier l'apparition, assez tardive remarquons-le, de ces sciences dites "humaines", dont on a pu croire un moment qu'elles nous en diraient un peu plus sur cette énigme.

A l'orée de la philosophie, chez Thalès, Anaximandre, Anaximène et Héraclite (VIème siècle avant notre ère), ce qui fait étonnement et question ce n'est pas l'homme, c'est la nature, la Physis. Les premiers penseurs, contemplant l'immensité, se posent une question inconnue jusque là, méconnue comme telle, résolue dans les fabulations du Mythos : quel est le principe, la racine, la source, l'Archè de tout ce qui existe, et le ciel et la terre, et les mers, et les végétaux et les hommes et les dieux. C'est l'Eau dira Thalès : tout est eau, vient de l'eau, retourne en eau. C'est l'Air dira Anaximène. C'est le Feu dira Héraclite. C'est l'Apeiron dira Anaximandre, en une intuition fulgurante qui fonde la métaphysique. Ce qui motive, étonne, éveille l'intelligence de ces premiers chercheurs rationnels c'est la présence continue, à travers les mutations innombrables, de certains éléments fondateurs, à la fois accessibles par la pensée et l'observation, et si difficiles à analyser dans leurs secrètes combinaisons. Mais l'essentiel est là : l'homme se pense dans le Tout, soumis aux éléments naturels, entre la nature physique et le monde lumineux des dieux, entre l'animalité et la divinité, qui donne la norme. L'homme n'est pas encore un problème spécifique, différent par essence des autres "natures naturelles", mais physiquement et mentalement situé dans le Kosmos, qui est la référence absolue.

La fameuse injonction delphique : "connais toi toi-même, et tu connaîtras l'univers et les dieux" ne contredit qu'en apparence notre propos précédent. Ce n'est nullement une recommandation de type introspectif ou psychologique, mais un apophtegme métaphysique. "Si tu veux connaître l'univers et les dieux il te faut commencer par toi-même, en qui sont présents tous les éléments de la nature et de la connaissance : eau, air, feu, terre, souffle, sang, coeur, esprit, pensée. Tu es un condensé de tout ce qui existe, et par l'observation, l'examen attentif, la réflexion et la contemplation tu auras accès à tout ce qu'il est possible de connaître, sachant que tu n'es qu'un homme, et que le seul Sage véritable est le dieu".

Même Socrate dont on affirme un peu vite qu'il aurait déplacé le souci philosophique, de l'univers vers les questions morales, reste fondamentalement un Grec : c'est de l'Apollon delphique qu'il tire sa vocation, et c'est encore aux dieux qu'il se veut fidèle, subordonnant la question de l'homme à la sagesse divine.

Est-il bien nécessaire de rappeler que tout le Moyen-Age, et la période classique de la philosophie, fait de Dieu (et non des dieux) le référent permanent et obligé de toute réflexion philosophique, que l'homme se pensera dans l'orbe de la révélation, dans le rapport indissociable à son créateur, et que Descartes encore se croira tenu de faire reposer en Dieu, qui ne peut être trompeur, la vérité des sciences, et des lois éternelles de la nature.

Il est nécessaire de penser la désacralisation de la nature, réduite par degrès à un mécanisme physique par la science newtonienne, et l'affaiblissement de la référence divine, le "désenchantement du monde" pour parler comme Marcel Gauchet, pour que l'idée d'une science de l'humain puisse voir le jour en tant que telle, débarrassée des mythologies traditionnelles, des prérequis métaphysiques, des références à une quelconque Sur-nature. Sur le modèle si enviable et respectable des sciences positives on fera de la psychologie expérimentale, de l'histoire positiviste, de la géographie naturelle et humaine, de la médecine expérimentale, de la psychiatrie, plus tard de la sociologie. D'autres sciences suivront, après le déclin du positivisme, linguistique, psychanalyse, psychologie sociale, ethnopsychiatrie etc.

Il est impossible ici de faire l'histoire de ces mouvements scientifiques. Nous voudrions simplement poser quelques questions pour ouvrir le débat.

Les sciences de l'homme renouvellent-elles notre connaissance de l'humain? Où en sommes-nous après deux siècles de recherches assidues? Pouvons-nous répondre à la question : "qu'est-ce que l'homme?"

La multiplicité même de ces recherches ne produisent-elles pas une fragmentation de la connaissance? On commence par découper des secteurs, chaque science créant son champ de recherche et son objet particulier (le psychologique, le politique, le sociologique, l'historique, le géographique, l'ethologique etc), ses méthodes particulières, opérant une sorte d' an-atomie, de vivisection funèbre, digne d'un tortionnaire chinois, et il en va ici comme de la médecine actuelle qui, à force de spécialisations rivales, nous livre un cadavre mutilé plus qu'un être vivant! Et pour la nature il en va évidemment de même.

Nous ne contestons en rien les progrès accomplis. Qui pourrait, aujourd'hui, réfléchir avec sérieux, sans s'inspirer de la théorie psychanalytique, des données de l'anthropologie ou de la linguistique? Mais reconnaissons aussi que les savoirs multiples, en tant que tels, ne sont que des moyens, ou des éléments "ondoyants et divers" d'une réflexion qui reste à conduire.

Heidegger disait : "La science ne pense pas". Ce n'est pas là une condamnation, car le rôle de la science n'est pas de penser, mais de donner à penser. Il fut un temps où le savoir scientifique prétendait régir le monde, dictatorialement. Ces temps ne sont plus. Les scientifiques eux-mêmes, du moins les meilleurs, acceptent de mieux en mieux de s'interroger sur leur discipline, sur les fondements et les limites du savoir, et sur les conséquences parfois désastreuses de leur activité. Le temps est venu d'interroger les impensés de notre civilisation mécaniste et technicienne, et cela ne se peut sans examen des fondements idéologiques de notre culture.

Vaste programme. Nous ne sommes pas seuls, heureusement. Nous ne doutons pas cependant de la légitimité de ce projet, et avec Hölderlin, nous disons : "Dans le péril gît ce qui sauve". (GK)

Publicité
Publicité
Commentaires
G
Tout le drame réside dans l'obsession du pouvoir, sur la nature, sur les autres, et paradoxalement sur soi-même, réduit à une machination de maîtrise. C'est bien d'avoir évoqué Jung et le devoir intérieur de connaissance de soi, qui seule permet le dialogue vrai. Sur le plan psychique j' ai envie de dire que ce sont les pulsions phalliques( masculines et féminines) qui exercent toujours encore une fascination mortifère sur l' humain contemporain , avide de se mettre en valeur dans une sorte de parade narcissique ostentatoire. Il est difficile de dépasser ce stade infantile pour accéder à l'accueil de son propre être et de celui des autres. Ici la psychologie nous éclaire un peu sur notre position primitive à l'égard de la nature. Une réflexion écologique sérieuse, comme tu le dis, ne peut se contenter de vagues considérations bienpensantes: il y faut une révolution sans précédent dans l'ordre de la psyché. La philosophie se doit d'éclairer les enjeux. Tout reste à faire.
Répondre
B
On ne peut que se réjouir de l’abondance des initiatives et solutions écologiques mais en ayant conscience que la recherche et l’adoption de nouvelles attitudes et pratiques écologiques ne sont pas suffisantes. Sans un changement profond, individuel, et collectif, sans une conversion du regard, il ne peut y avoir à mon avis de répercussions fortes et de liens profonds avec notre terre menacée. La réflexion des philosophes, interrogeant notre rapport au réel est primordiale et nous invite en toute urgence à nous interroger sur nos représentations, nos attentes, nos besoins, nos aspirations, nos devoirs. <br /> Il me semble important d’évoquer l’apport de Jung dans cette réflexion. « Nul ne peut avoir de liens avec les autres s’il n’a pas de lien avec lui-même ». Ce lien ne peut s’instaurer sans un dialogue avec soi même tout d’abord .Dialogue constant entre le conscient et l’inconscient. Invitation à l’écoute, à l’accueil de cette part inconnue dont nous émergeons. La confrontation avec l’ombre, première étape de cette rencontre avec soi, permet à l’individu d’intégrer cette part obscure, inconnue de lui-même qu’il ne cesse de projeter sur autrui, .Mon propos n’est pas d’évoquer ce processus, mais simplement d’éclairer les changements qu’il induit , dans une perspective écologique .A travers ce processus peut s’établir un lien avec soi même, un lien avec autrui comme être unique et singulier , un lien avec la nature pour elle-même et non pour ce qu’elle peut nous apporter . En concluant son livre « Philosophie de la biodiversité » Virginie Maris nous invite à saisir peut-être dans cette crise l’opportunité d’un profond questionnement éthique sur notre rapport à l’autre : « l’autre en soi …,l’autre que soi…, et enfin l’autre que nous en acceptant de « partager la Terre avec la myriade de formes vivantes qui la peuplent, sans qu’il ne soit nécessaire de prouver qu’ elles nous sont utiles, mais tout simplement parce qu’elles sont là, par elles-mêmes et pour elles- mêmes ». Dans cette perspective éthique et écologique, la recherche et la préservation de ce lien me semble fondamentale. Condition d’une véritable participation. Afin que cette participation soit réellement créative, il est tout aussi nécessaire de s’interroger sur cette ressource première, originelle qu’est notre énergie créatrice trop souvent enfouie, gelée, emprisonnée, sclérosée par l’éducation, les institutions, croyances .Imaginons un instant la fertilisation nouvelle de notre terre, irriguée, nourrie par cette profusion d’énergie première !
Répondre
PHILO-ALETHEIA
Publicité
Derniers commentaires
Publicité