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PHILO-ALETHEIA
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24 décembre 2015

De l'engagement (1)

La question de l’engagement, suite à nos échanges, résonne en moi de la façon suivante. Sans aucune idée d’exhaustivité ni de prétention autre que simplement mieux approcher la question et de ne pas laisser se perdre certains des échos que nos échanges ont suscité en moi.

 1° Précisions sur l’idée d’engagement :

De la notion d’engagement, je retiens l’idée d’inscription dans la durée, vers le futur, celle de projet, de « promesse » (avec tout ce que cela amène d’un peu « inconscient », un peu « fou », comment s’engager sur un à venir incertain et improbable et pourquoi ?), un aspect quasi juridique aussi, qui « lie » à ce à quoi on s’engage et dont on ne peut se dédire sans frais, perte, ni « reniement » en quelque sorte. Je retiens, aussi, la notion de « mise », de gage donné que l’on peut perdre, que l’on met en jeu, dès le départ. Pas d’engagement sans risque donc.

 2°) Différentes situations qui pourraient m’appeler à l’engagement :

                Je parle, ici, sur le plan personnel car, comme plusieurs des intervenants, je me défie, un peu, un peu beaucoup, d’une pensée sans enracinement dans le concret de ma vie. Je puis dire que je suis, si l’on veut, engagé (je n’aurais pas employer ce terme, avant notre réunion) dans une certaine défense d’une vision médicale plus complexe, élargie, promouvant, à côté du modèle mécaniste actuel (avec toutes ses qualités), une vision plus globale, plus individuelle et plus « dynamiste », régulatrice comme celle que j’exerce. Je parle d’engagement car c’est ma position depuis près de trente ans, avec mise de départ, gage et prise de risque (très relatifs mais bien réels quand même).

        La mise de départ, les gages et les risques consistent en une certaine « marginalisation », une accusation de « charlatanisme » parfois, d’incessantes « accusations, » « railleries », diverses complications avec la sécurité sociale, mes confrères, et, plus lourdement, la perte de la solidarité de la communauté médicale. Ceci n’est pas rien. Un médecin « classique », en cas d’erreur pourra compter sur la défense de la profession. Un médecin homéopathe sera, beaucoup plus facilement, « laché » par la profession, voire même mis en accusation par des « confrères » qui pourront y voir l’occasion de quelques règlements de compte. Rappelons, tout bêtement, comment le scientifique jacques Benveniste, très réputé et estimé dans son milieu, parce qu’il il travaillait sur l’homéopathie, sur « la mémoire de l’eau », s’est vu, dès lors, critiqué, raillé (on a envoyé dans son laboratoire un « spécialiste » des tours de prestidigitations pour voir s’il ne truquait pas ses expériences) et a, finalement, vu son laboratoire de recherche au CNRS purement et simplement fermé. Notons aussi que le Pr. Montanier, pris Nobel de médecine pour sa découverte du virus du SIDA est, de son côté, largement boycotté par les médias et la communauté scientifique et médicale, depuis que ses derniers travaux l’amènent à rejoindre les conclusions de Jacques Benveniste.

        Mon engagement médical a pour « projet », ou plutôt est au service (sans illusion de succès mais est-il nécessaire de penser réussir pour faire ce que l’on estime important de faire ?) d’un élargissement de l’univers médical actuel, de la reconnaissance de la complexité du vivant et de celle de la prise en charge des maladies. J’œuvre donc, très modestement, et sans illusion je le redis, pour parvenir à ce qu’un jour, se mette en place un univers médical complexe qui accepte de conjoindre des modèles, pour reprendre l’expression d’Edgar Morin, complémentaires, antagonistes et concurrents.

Personnellement, hormis cela, je ne vois que des situations limites, extrêmes, qui pourraient m’appeler à l’engagement, c’est à dire, en fait, à choisir « mon » camp. Ce n’est que dans ces circonstances-limites, occupation d’un pays, péril sur nos valeurs les plus fondamentales (dictature), etc. que je me sentirais, de fait devant un choix. Collaborer, lutter contre ou « s’en laver les mains », ce qui n’est une manière de ne pas choisir qu’en apparence d’ailleurs.

Mais, comme la soirée l’a montré, avec l’exemple donné par Pierre, on peut, aussi, en dehors de la « grande histoire » être placé devant ce type de choix, dans notre vie de tous les jours. Et je partage tout à fait, sur ce point, son idée d’engagement « nécessaire », de choix qui s’impose car, de fait, soit on laisse une injustice se perpétrer soit on s’y oppose en prenant des risques certains.

        En dehors de cela, je ne me sens, personnellement, nullement « appelé » à m’engager sur d’autres sujets. Non que je n’ai pas des convictions sur telle ou telle domaine, politique, social, sociétal ou écologique par exemple. Mais, dans ces domaines, je peux, ponctuellement, soutenir telle ou telle démarche mais ne suis pas disposé à m’inscrire dans une action de long terme. Pourquoi ? Cela m’amène au point suivant.

3°) Pour quoi et pourquoi s’engager ?

        Nous avons évoqué cela.

        Pour quoi ?

On peut s’engager pour quelque chose qui nous semble essentiel, certes mais, pour ce qui me concerne, quelque chose qui a des implications très larges. D’où mon engagement médical homéopathique. Car au delà de mieux soigner de tel ou tel (ce qui est, quand même, mon « devoir » premier), je sais que mon « engagement » recouvre, et « réponds » à bien d’autres questions qui pourraient valoir un « engagement ». Par exemple, défendre une vision globale et régulatrice au plan thérapeutique, a, en fait,  des implications immédiates au plan économique et politique.  Je dirai, même, que vouloir répondre au seul plan économique ou politique dans le domaine de la santé sans refonder ce domaine médical est vain. Ce pourquoi, d’ailleurs, l’idée d’engagement pose le problème, nous en avons parlé, du danger de réduction. Celui qui est engagé « politiquement » veut trouver des solutions politiques à tous les problèmes. Au mépris, souvent, d’un pragmatisme et d’un bon sens nécessaires à défaut d’êtres suffisants.

        Par exemple, défendre l’égal accès aux soins pour tous est une noble cause et, évidemment, politiquement à défendre mais ceux qui s’engagent sur ce point, dans un registre purement politique, me semblent passer à côté d’un aspect plus essentiel de la question, tant est patent le gaspillage économique colossal que génère la vision médicale actuelle. Pour faire simple, voire caricatural, si devant le moindre symptôme, le premier réflexe est de chercher à trouver une cause objective à coup d’IRM, scanner, bilans biologiques poussés, comment ne pas voir qu’un tel modèle est, par définition, tellement inflationniste qu’il sera, à coup sur, non finançable sur la durée et, donc inévitablement générateur d’inégalités.

        Un préalable à l’engagement est donc, selon moi, une étude approfondie de la question sur laquelle on s’engage. Et beaucoup d’engagements actuels me semblent « proposés » clé-en-mains si j’ose dire.

Pourquoi ?

        Il peut, certes, y avoir de « bonnes » ou de « mauvaises » raisons. Disons que  l’apparente oblativité de l’engagement peut être le cheval de Troie de bien des pulsions, ou des intérêts bien cachés. C’est certain mais cela ne me semble pas rédhibitoire car on pourrait le dire de toutes choses. Sur ce point, personnellement, l’important me semble la pertinence de ce pour quoi on se « bat ». Je ne pense pas que celui qui souffre est si sensible que cela à la motivation de celui qui le secourt. Si l’on meurt de faim qu’importe si la main qui nous offre à manger le fait par narcissisme, « mépris » déguisé ou  par pure générosité.

        L’essentiel me semble donc, autant que faire se peut, de bien réfléchir, en amont, à ce pour quoi l’on s’engage, ce qui suppose, aussi, de réfléchir sur nos motivations. Ce pourquoi, les causes « toutes faites » ne m’attirent guère. J’ai trop peur d’y être largement instrumentalisé. Mais bon, peut être, y a-t-il là trop d’égoïsme de ma part ? J’en saurais plus après la prochaine réunion.

       4°) S’engager aux yeux de tous (l’afficher, voire le revendiquer) ou le faire en son for intérieur ?

        Il y a, me semble-t-il, dans l’idée moderne d’engagement, souvent un appel à la publicité de la chose. Et cela pose problème. Si cela peut avoir un sens (une valeur supplémentaire d’efficacité en cas de notoriété de l’« engagé »mais gare aux effets pervers, l’appel de telles célébrités en faveur d’une cause peut irriter contre la dite cause les laissés-pour-compte) dans certains cas, on peut, très raisonnablement, s’interroger sur la publicité que d’aucuns donnent à leur engagement. L’enjeu n’étant pas, ici, de disqualifier de façon a priori des engagements intéressés mais, plus simplement, de douter de leur utilité. 

             Pour Philoaletheia, Philippe Marchat

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Commentaires
G
En voilà une surprise ! Heureux de vous voir vaticiner sur ce blog. Meilleur souvenir d'une terminale qui fut mémorable !
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G
Il est important de distinguer l'engagement conditionnel de l'inconditionnel. Dans le passé l'engagement était souvent inconditionnel : le service du roi, l'entrée dans les ordres, le mariage à vie (et à mort !), le métier, et l'existence enfin puisqu'il était interdit de se suicider. L'homme était rivé à une place et se devait d'y tenir coûte que coûte.. Avec la modernité et une libération relative de l'individu on peut choisir des engagements réversibles : mariage et divorce, engagement et désengagement, ce qui allège un peu les choses. Mais le vrai problème est de savoir s'il existe encore des idéaux assez convaincants pour susciter des engagements durables et sincères.Existe-t-il quelque chose qui mérite qu'on y gage sa vie, et celle des siens ?
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