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PHILO-ALETHEIA
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19 octobre 2010

Les trois âges du savoir

La question pressante de notre temps, selon nous, est de déterminer la référence à laquelle se plie notre ambition de connaissance. "Que sais-je" demandait Montaigne. Pour répondre à une telle question il faut manifestement un référent, sans quoi  la pensée se perd dans les sables. Nous pensons qu'on peut distinguer trois moments dans l'histoire de la pensée occidentale, mais qu'il ne faut pas interpréter d'emblée comme des  étapes vers un supposé achèvement de la connaissance.

Pour les Grecs la référence obligée, incontournable, était le Tout de la Physis. Tout ce qui se donne à penser, astres, ciel et terre, minéraux, végétaux, animaux, hommes et dieux, tout est à rapporter au fondement universel de la Physis. La pensée philosophique initie son cheminement par la considération éblouie, le "thaumazein" (étonnement), émerveillé et stupéfié, du Kosmos, où l'homme doit trouver sa demeure. Nous proposons de nommer cet âge : cosmocentrisme. Platon encore définit la justice comme l'harmonie de l'être humain dans l'harmonie de la cité, elle même dans l'harmonie du Tout. Le savoir est rigoureusement centré, la question de l'humain trouve sa solution dans la justice universelle.

Suite à la montée du christianisme le Moyen Age et la période classique opèrent une division radicale entre Nature ( une nature désacralisée, progressivement réduite par les sciences physiques au statut de "matière" mécanique) et Sur-nature, lieu intelligible, principe causal,  (Dieu est la Cause des Causes), déterminant souverain des lois naturelles, garant de la vérité, et sens de l'histoire. Ce dualisme, religieux au départ, inscrit sa nécessité dans la pensée profane, oriente l'aventure de connaissance sous l'aplomb d'une référence universellement admise : théocentrisme, jusqu'au moment où les sciences, devenues indépendantes, vont affranchir l'exploration du monde (puis de l'humain) de toute subordinnation au principe divin. Alors la rupture entre science et métaphysique sera consommée. Laplace proclamera avec morgue : "je ne forge pas d'hypothèses", entendons d'hypothèses extra scientifiques. Dès lors la science prétend se passer de toute référence externe, et tirer de soi seule la justification de sa pratique.

Nous appelerons anthropocentrique ce troisième âge de la connaissance, où nous sommes encore aujourd'hui, mais qui révèle de mieux en mieux sa facticité et ses limites. Affranchi de la contemplation cosmocentrique, de la servitude théocentrique, la connaissance profane, rationnelle, positive, s'élance à la conquête du monde, suivant la devise de Descartes qui nous voulait "comme maîtres et possesseurs de la nature", étendant à l'infini les domaines d'exploration, d'observation et d'expérimentation, arraisonnant sous les lois physiques et chimiques un immense champ de réalité, multipliant les initiatives techniques issues de la science, maîtrisant de mieux en mieux les processus naturels jusqu'à nous donner l'illusion de la toute puissance. Ce schéma d'arraisonnement est très bien défini dans Auguste Comte, lorsqu'il fait de l'Humanité, et de l'Humanité seule, la source, la référence et la finalité de cet âge souverain des "ingénieurs". Au vingtième siècle  cette idéologie a révélé de manière fabuleuse, et son pouvoir erxorbitant, et sa monstruosité sans exemple.

Crise de notre temps : c'est tout l'édifice du savoir (et de tous les pouvoirs qui en dérivent) qu'il faut de toute urgence interroger. Nous pensons que la (non)référence anthropocentrique est le péril le plus grave pour notre humanité, et dont les symptômes accablants, récurrents, d'une ampleur planétaire, devraient nous préoccuper jour et nuit. Livrée à elle même l'humanité court à sa perte. Pour autant nous ne croyons pas en un Dieu sauveur, que non! Le théocentrisme est une calamité intellectuelle et morale. Et nous ne pouvons pas davantage revenir au cosmocentisme des Grecs. Mais d'une certaine manière ce sont les Grecs qui montrent le chemin : nous pouvons parfaitement nous appuyer sur nos savoirs, astrophysiques, astronomiques, chimiques, biologiques etc pour donner une image du monde, désacralisé bien sûr, rationnel jusqu'à un certain point, en partie connaissable, et de là produire une référence OIKOLOGIQUE, un système ouvert de savoirs qui nous permettrait de prendre la mesure de notre appartenance à la planète, de notre pouvoir certes, mais de nos devoirs surtout, planétaires, écologiques, économiques, géopolitiques, moraux, dans une philosophie de l'urgence.

Ce n'est pas là un rêve creux de philosophe en chambre. C'est la nécessité même qui nous fait signe. Et voilà un progamme sérieux, universel pour une nouvelle philosophie, qui devrait être la priorité de tous.(GK)

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