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PHILO-ALETHEIA
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13 mai 2015

L'AUTORITE

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 L’autorité  et le soi

Les manifestations de l’autorité se déclinent sous différents registres pour autant, elles possèdent toutes des caractéristiques communes inhérentes à la structure même du concept d’autorité. D’une manière générale,  l’autorité c'est « la capacité à obtenir de quelqu'un un comportement qu'il n'aurait pas spontanément adopté". Il faut donc un dressage des affects et ce, dès la petite enfance. En effet, nous pouvons déjà l’affirmer c’est sur un socle et une analyse anthropologiques que l’autorité va se constituer.

Un petit détour vers l’étymologie nous permettra de comprendre ce que recouvre cette notion. L’autorité vient du latin « auctoritas », on retrouve sa racine dans « auctor »( être auteur) qui se rattachera au verbe AUGERE c’est-à-dire « faire croître-augmenter ». Il existerait donc  des « augmentateurs » transcendants ou pas, d’autorité chez les anciens comme le Cosmos, Dieu etc…

En termes modernes, et pour en sourire, on pourrait dire que l’autorité est une opération de dopage, puisqu’on augmenterait artificiellement les capacités de gouverner. (un pays, d’asseoir une autorité d’une structure sociale, familiale). Nous l’avons vu, la notion d’autorité est d’origine romaine. « Potestas in populo, auctoritas in senatu », le pouvoir est dans le peuple, l’autorité est dans le Sénat.

La République romaine reposait en effet sur deux piliers complémentaires : le principe du pouvoir reposait sur ce partage bipartite entre le peuple qui détenait le pouvoir et le Sénat qui détenait l’autorité : acte de fondation de la République. Accepter de s’inscrire dans cette lignée était témoigner de la pietas : c’est-à-dire d’être religieux au sens romain, relié au passé, à la tradition, à la fondation. L’autorité augmentait à travers l’action des pâtres: celle des ancêtres fondateurs et de ceux qui continuaient l’action dans le présent. Il y a avait donc une transmission des liens, une continuité….un héritage précédé d’un testament.

Pour autant, nous ne pourrons pas envisager la nature de la relation entre l’autorité et le soi, si nous ne saisissons pas le scalpel pour découper ce concept. L’opération est délicate puisqu’il semblerait que sa structure soit ainsi composée.

I)La structure de l’autorité

Sur le plan structurel, nous observons quatre caractéristiques de l’autorité : son extériorité qui me fait prendre conscience de la figure de l’autre et qui, de cette façon s’opposerait au moi : prise de conscience de l’altérité. Vient ensuite le caractère de l’antériorité ou de l’antécédence : il s’agit ici d’appréhender toute la puissance exercée par la tradition. Puis, s’ajoute la supériorité ou dimension hiérarchique, verticale  entre commandant et commandé. Enfin, on soulignera le caractère ASYMETRIQUE de l’autorité, connexe à celui de la supériorité exercé notamment dans la rationalité, cette dernière étant incarnée par la loi qui va créer, assurer la distinction entre les fonctions et les places : entre l’obéissance et consentement.

Aux différents type de caractères se grefferont les figures de l’autorité, celle du maitre, celle du père, celle du juge, enfin celle du chef.

II) L’autorité n’est pas le pouvoir

Pour autant, et c’est là une difficulté redoutable de notre sujet, la « véritable » autorité celle que l’on trouvera définie par Hannah Arendt et Foucault  se détache radicalement de la notion de pouvoir.L’auctoritas n’est pas la potestas. Notre fâcheuse propension à les coller, à les superposer pour les confondre spontanément tient sans doute au fait que, dans l’effectivité de la pratique, autorité et pouvoir sont liés, mêlés, etroitement enchevêtrés.

Or l’autorité n’est pas le pouvoir. Pourquoi ?

L’exercice de l’autorité n’est pas simple domination, parce que l’autorité appelle de celui qui est en position d’être commandé, une acceptation, un sentiment partagé dans une relation d’obéissance qui est distincte de celle qui est impliquée dans la relation de pouvoir.

Pour dire les choses plus simplement – obéir aux recommandations de son médecin n’est pas se soumettre aux injonctions menaçantes d’un bandit. Extérieurement, objectivement, il s’agit bien d’une même forme d’allégeance que l’on pourrait confondre avec l’exercice d’un pouvoir, mais ces allégeances ne sont pas subjectivement vécues de la même manière. Obéir n’est pas se soumettre.

Dans ce sens, l’autorité n’est pas le pouvoir, car l’autorité n’est pas de l’ordre de la contrainte, sinon nous parlerions évidemment d’autoritarisme. Il ne faut pas confondre l’influence que l’on exerce et le pouvoir que l’on impose. D’aucuns pourront nous rétorquer que c’est là une vision, idéale, idéaliste, peut-être mais ne pouvons-nous pas seulement l’entendre? Là où la force est employée l’autorité a échoué disait Rousseau. Spinoza disait la démocratie est comme une roue : le peuple est la source du pouvoir et en même temps on obéit.

Force, pouvoir, puissance, violence : les mots ont un sens !

Si le pouvoir est défini comme la mise en commun de la lexis et de la praxis pour faire œuvre politique commune au sens arendtien du terme ou comme encore la capacité de réaliser telle ou telle action (la possibilité) comment pouvons-nous l’assimiler d’emblée à un processus « d’abus d’autorité », c’est-à-dire d’autoritarisme .

III)L’autorité c’est s’autoriser à grandir :

Reconnaitre l’autorité c’est fondamentalement s’autoriser à grandir, à expérimenter, à découvrir, à tenter, à devenir autonome et responsable de ses choix et de ses actes.. En ce sens, l’autorité serait peut-être un concept méta-politique car elle traverserait et structurerait toutes les expériences relatives au grandir.

Grandir, c’est se sentir autorisé, mieux c’est se sentir progressivement autorisé. En effet, les choses ne se font pas d’emblée, elles débutent même dès la petite enfance en classe primaire par l’autorité du maitre qui « règule » le comportement du jeune enfant. L’autorité serait un ensemble de règles composée de différents types d’augmentateurs facilitant la « bonne » croissance.Dans cette acception, nous voyons que l’autorité ne serait pas contraire à l’idéal d’autonomie. Elle serait même la condition de l’accès à l’autonomie.

Mais pour que cela soit possible, il faut créer les conditions de pérennité de  l’autorité et cela ne se peut que par l’émergence d’un tiers, d’un médiateur d’un arbitre légitimement autorisé, c’est-à-dire naturellement reconnu et cela vaut dans tous les domaines où s’exerce l’autorité.

Pour autant, il faut bien le reconnaitre nous assistons aujourd’hui à une  défaillance ou crise de l’autorité : que s’est-il passé ?

IV) La crise de l’autorité :

La fin salutaire du modèle patriarcal d’autorité a affaibli les cadres institutionnels traditionnels et par là même rompu ce qui faisait le consensus social. Nous assistons à la montée  croissante  d’une revendication individualiste au détriment des liens intersubjectifs. L’individu est érigé en valeur souveraine.. Il s’érige en poseur de normes. De fait, on observe une crise de la transmission chez des adultes qui sont en perte de repères dans la sphère publique comme dans la sphère privée.

Au prétexte que chacun aurait sa propre norme, voici ce qui en découle. On observe selon des sociologues, le refus de certains adultes d’intervenir dans l’éducation de leurs enfants et par voie de conséquences leur progéniture se retrouve en perte de repères, et probablement  une difficile construction du soi..difficile liberté individuelle, non impossible liberté !

C’est une crise de la filiation, les adultes n’assument plus ou presque plus  leur position asymétrique inhérente à leur position générationnelle ( ou d’antécédence) et du coup, ils sont devenus insuffisamment consistants pour être contenants.

Transmutation de valeurs ? Allons-nous vers la construction d’un nouveau visage de l’autorité ? Une autorité qui nécessite la parole, une négociation sans cesse réitérée, « acharnée » relève de quels référents : nécessairement fiables, stables? Ici, il y a lutte, affrontement et donc l'exercice d'un pouvoir tour à tour usurpé, manifestation d'une violence non dite, non affichée et pourtant réelle.

Comment pouvons-nous construire notre identité, notre soi dans cette nouvelle forme d’autorité dont les fondements semblent nous échapper?

MPC

 

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Commentaires
G
L'autorité, en effet cher David, c'est aussi la force qui autorise. Il y a un double mouvement, par exemple dans l'autorité paternelle, d'interdire d'un côté (interdit de l'inceste) séparation, par laquelle la subjectivation (l'individualisation) devient possible, ce qui suppose une autorisation, une ouverture et une perspective au désir : le père interdit la possession de la mère mais montre par son exemple qu'un accès à d'autres femmes (hors famille) est possible et souhaitable.
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D
Chère MP,<br /> <br /> L'approche étymologique et historique de l'autorité est fort intéressante, tout comme la distinction autorité/pouvoir. L'autorité soumettrait par consentement alors que le pouvoir soumettrait par la contrainte, la coercition. Cependant on peut envisager par un autre biais, par les faits et les actes, l'autorité (avec ou sans pouvoir) comme l'instance, voire l'institution, qui pose les normes (l’obligatoire, l’interdit, et le permis). Cette approche permettrait d'élucider (sans les résoudre) le problème de la crise du fondement de l'autorité et celui de la conception développée ici de l'autorité comme possibilité de « s’augmenter », de « s’autoriser à grandir ».<br /> <br /> <br /> <br /> Qu’en est-il de l’élucidation de la crise de l’autorité ? <br /> <br /> Jadis, les institutions normatives étaient le monarque, l'église et l'armée. Dorénavant, il n'y a plus de monarque mais un état aux institutions multiples (coercitive : la justice; protectrice: la sécurité sociale...), plus d'église officielle mais des églises ou autres qui proposent des normes, des valeurs et des buts à leurs fidèles, plus qu'une armée qui n'emploie que des professionnels, et ne reste qu’une famille restreinte au couple parental voir à un seul parent... <br /> <br /> En outre, aujourd'hui un individu obéit ou consent à des normes qui certes viennent toujours d'une autorité centrale (l'état dont l’école dans ses premiers âges), mais aussi à des normes qui viennent d'une instance normative plus diffuse, plus anonyme, à savoir le marché économique, et en plus obéit ou consent aux normes des différents groupes sociaux dont il fait partie. Et l’individu peut « circuler » entre ces groupes ; il peut avoir un groupe social d’origine et accéder à un autre au moyen de la promotion sociale par l’instruction et/ou le travail. De sorte qu’il peut appartenir, ou au moins participer, à plusieurs instances normatives en même temps.<br /> <br /> <br /> <br /> Or ces nouvelles instances normatives, le marché et les groupes sociaux distincts mais de plus en plus perméables, posent ou imposent de nouvelles normes et de nouveaux habitus, souvent contradictoires entre eux, - et surtout, potentiellement contradictoires avec les normes de l’autorité politique qui est, en régime démocratique, la seule légitime. Par exemple, le marché (par les agents de production dont l’entreprise) enjoint (l’obligation) d’être rationnel, performant, productif, rentable… et ce par l’effort de travail croissant qui abolit les frontières entre le temps privé et le temps de travail. Mais ce même marché (par la nécessité de la consommation) enjoint de consommer, d’acheter, - ce de moins en moins rationnellement-, et surtout de jouir de ses biens (pour exemple, le neuromarketting et son instauration de la corrélation entre acheter et jouir : l’érotique de l’achat et de la marchandise…). De même pour les appartenances aux différents groupes sociaux, un même individu peut ou doit se conformer à leurs normes potentiellement contradictoires entre elles : celles de l’état (l’intérêt général) avec celles du travail (l’intérêt particulier) - ici se trouve la grande contradiction ! -, celles des loisirs, celles de sa catégorie socio-professionnelle avec celles de sa communauté d’origine, celles de sa famille avec celles de la société globale… <br /> <br /> <br /> <br /> Par conséquent, plus qu'une crise du fondement de l'autorité, l’observation des faits met à jour une multiplication des instances normatives, donc des autorités. Ainsi la crise de l’autorité et de son fondement peut-elle tout à fait prendre la forme d’une multiplication et d’une concurrence des différentes instances normatives qui peut conduire à de nouvelles normes, à de nouvelles manières de les incorporer… Il n’y aurait donc pas crise mais mutation, transformation, non de l’autorité mais des instances d’autorité, des autorités.<br /> <br /> <br /> <br /> Qu’en est-il de l’élucidation de l’autorité comme possibilité de s’augmenter ?<br /> <br /> D’emblée, comment s’augmenter et s’autoriser à grandir lorsqu’on est un individu entouré d’instances normatives différentes ? Comment choisir ses normes alors que toutes les instances les imposent soit explicitement (via la loi étatique, l’objectif professionnel…) soit implicitement (via les habitus)? <br /> <br /> A minima, l’individu peut opter pour une hiérarchisation de ses préférences et adopter les normes qui lui paraissent les plus utiles à sa promotion sociale. D’un autre côté, l’individu peut opter pour une constitution de ses propres normes. Il constituera ses propres obligations, ce à quoi il s’enjoindra lui-même d’obéir : soit un impératif d’exister authentiquement –ou de vivre pleinement, soit un impératif de créer singulièrement, soit un impératif de se lier à autrui respectueusement. Il constituera ses propres interdits : ne pas s’aliéner, ne pas imiter, ne pas manipuler… Il constituera ses propres permissions : se permettre d’être autre que ce qu’il est par habitude, se permettre de ne pas créer, se permettre de ne pas respecter l’intolérable… Mais à partir d’ici, il ne s’agit plus d’un constat de ce qu’est l’autorité et ses manières d’y obéir ou d’y consentir ; il s’agit plutôt d’un projet lui-même quelque peu normatif. Il s’agit en d’autres termes d’un dessein pour passer de ce qui est (un individu hétéronome) à ce qui serait préférable d’être (un individu autonome ou auto-normatif). Cela reste problématique car l’individu n’est pas « naturellement » autonome (ou auto-normatif). <br /> <br /> Mais ici se trouve sans doute l’enjeu majeur d’une société non plus d’individus mais de personnes libres intégrant la liberté des autres : en paraphrasant et modifiant beaucoup Jean-Jacques Rousseau, « trouver une forme d’association qui AUTORISE et protège de toute la force commune la personne et LES NORMES de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et DEVIENNE PLUS libre qu’auparavant. Tel est le problème fondamental dont le contrat social NE donne PAS la solution » (Du Contrat Social, I, 6).<br /> <br /> <br /> <br /> David
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